Le ver était dans la pomme

 


C’était en 1979, je venais d’avoir vingt ans. J’avais arrêté Khâgne, la deuxième année de préparation à l’école normale supérieure de lettres à Saint Cloud et de passer le permis bus qui me donnait le droit de conduire des camions de 19 tonnes. Donc, cet été là, j’avais pris un emploi temporaire de chauffeur livreur régional chez Luc Durand dont l’entrepôt se situait dans la splendide forêt de Hayes, sur le plateau aux portes de Nancy.

Lever 5h, prise du camion ruisselant de rosée et mise à quai 6h, chargement et départ à 7h. Chaque journée était une aventure ! Ni gps, téléphone portable, ni direction assistée, ni clim. Après 70/80 kms au nord ou au sud, début de la tournée et, un jour, au nord de Metz, premier arrêt devant un café de village pour demander ma route.

La grisaille du dehors avait envahi l’intérieur d’une salle avec une douzaine de petites tables carrées en formica citron, deux chaises par table l’une en face de l’autre, un néon au plafond et au fond le comptoir. La moitié des tables était occupée, chacune par un vieillard devant un ballon de vin blanc dans un silence de cathédrale. 

Familièrement, le canon de vin blanc au réveil s’appelle « tuer le ver », dans les campagnes comme à la ville. Eh bien, j’ai eu peur, j’ai refermé la porte et je suis retourné au camion en courant ! Ce n’était pourtant pas un cataclysme, un fait de guerre, un accident grave mais une simple scène, muette et paisible. En fait, je venais de voir des morts-vivants !


Dans le roman Maître Rossignol, le libre penseur, Ponson du Terrail fait dire à un de ses personnages :

« Les gens de ce pays ne sont pas méchants, ils sont mauvais. »

Il y eut un crime. Croyez-vous que le meurtrier haïssait la victime ? Nenni point ! Elle lui était indifférente mais l’assassin rêvait du ruban de la légion d’honneur. Sa monomanie lui a fait commettre un meurtre afin de lui permettre de trouver un coupable, qu’il a créé de toutes pièces, et de se poser en justicier.

Regardez Caïn. Genèse 4/5: « Caïn en conçu un grand chagrin et son visage était abattu. » 8 « Caïn parla a son frère Abel, mais il advint comme ils étaient au champs qu’il se jeta sur lui et le tua. »

Comme pour le meurtrier de roman, il n’y a pas de haine ni de méchanceté mais la poursuite d’une idée fixe qui fait que, qui est coupable d’avoir une telle idée se fait meurtrier à l’occasion. C’est cette idée qui fait que les gens sont mauvais.

Or quelle est cette idée ? C’est celle de la pub L’Oréal ‘Parce que je le vaux bien’ ou autrement dit, ‘Parce que j’y ai droit’.

Caïn était tellement persuadé qu’il avait droit à la reconnaissance de Dieu qu’il était profondément attristé et abattu de ne pas l’avoir obtenue. Puis il alla voir son frère pour lui parler et là seulement il le tua parce qu’il était un obstacle entre lui et la reconnaissance de Dieu. Il n’était pas méchant, comme Essav, Esaü, qui méditait de tuer son frère, il avait un fond mauvais, comme le criminel du roman.

Et enfin, n’est-ce pas ainsi que le serpent a trompé Eve en lui disant, Dieu t’as menti, tu as le droit de manger de l’arbre de la connaissance ? Alors, oubliant qu’elle avait un devoir, elle crut qu’elle avait un droit …

Or Dieu avait prévenu Caïn: Gn 4/7: « Si tu t’améliores tu pourras te relever, sinon le péché est tapi à ta porte; il aspire à t’atteindre, mais toi saches le dominer ». Or quel est ce péché qui se cache et guette mais qu’on peut dominer ? L’envie, la jalousie qui peuvent se résumer à ‘j’ai le droit à’.


L’homme n’a pas le droit de vivre mais le devoir de vivre, le devoir de s’accepter comme il est et de s’améliorer. Nous n’avons pas le droit d’être un homme mais le devoir de le devenir. 

L’homme cherche des dieux et Dieu cherche des hommes !

Nous n’avons pas le droit d’être libres, nous avons le devoir d’être libres. Ce simple changement de mot offre un total changement de perspective. Quand on met de côté les sombres images du ‘droit-à’ qui sont autant d’orages perfides, le ciel s’éclaircit, l’horizon s’élargit et l’on distingue les châteaux féeriques du devoir flottant dans l’azur. 

Dieu ne nous a jamais parlé de droits mais il nous a donné des devoirs innombrables qui sont autant de marches sur la route du ciel. Cependant, au-delà des 10 paroles, les 10 ‘commandements’, il en est un qui les prime tous: Dt 6/5: « Tu aimeras l’Eternel ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir ».

Faire les devoirs de Dieu, c’est faire ceux de l’homme



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